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Les enjeux du numérique pour les autorités locales

Étape 1

Clarifier ses attentes sur le numérique

Objectif

Sortir du fantasme de la « ville intelligente » pour identifier les opportunités et risques réels du numérique pour le développement durable et inclusif du territoire.

Comment s’assurer que le développement des TIC contribue effectivement à plus de durabilité et d’inclusion en ville ? Dans quelle direction les autorités locales peuvent-elles orienter cette transition et l’innovation ?

Prendre conscience des opportunités et se positionner

La première étape est de clarifier les attentes collectives en termes de développement urbain durable et de se doter d’un projet politique qui pourra s’appuyer sur le numérique. Une vision claire des opportunités et des limites du numérique est nécessaire.

Cette vision permettra à l’autorité locale, garante de l’intérêt général, de structurer son action et les initiatives de tiers. Le numérique doit être au service de son projet politique.

Quatre modèles de « ville intelligente »

Schématiquement, quatre modèles de « ville intelligente » influencée par les TIC peuvent être dessinés.

Types de ville fondés sur le numérique (Douay, 2017)
Type de ville intelligente Ville algorithmique Ville ubérisée Wiki-ville Ville open source Open source Code source ouvert : s’applique aux logiciels dont la licence respecte des critères précisément établis par l’Open Source Initiative (), c’est-à-dire les possibilités de libre redistribution, d’accès au code source et de création de travaux dérivés.

Type d’urbanisme Urbanisme d’expertise Urbanisme post-stratégique Urbanisme communicationnel Urbanisme participatif
Acteurs dominants Privés et/ou publics Privés Citoyen·nes Institutions et citoyen·nes
Urbanistes Ingénieur Innovateur Bénévole, civic hackeur Médiateur numérique
Valeurs dominantes Rationalité Marché Démocratie contributive Démocratie représentative et participative
Objectifs Efficacité, durabilité, contrôle Innovation, disruption, profits Sociabilité, modèles alternatifs de gouvernement et de ville Participation, nouvelle légitimité et capacité d’action
Méthodes Data mining Data mining Notion qui recouvre la prospection et l’exploration de données brutes et l’extraction de connaissances qui en découlent. Des méthodes automatiques ou semi-automatiques, combinant statistiques, intelligence artificielle et informatique sont appliquées à des bases de données en grande quantité. Les algorithmes fondés sur des critères prédéfinis servent à identifier et construire des modèles, des structures ou des motifs dans les données brutes, et d’en extraire ainsi de nouvelles connaissances. et algorithmes Data mining Data mining Notion qui recouvre la prospection et l’exploration de données brutes et l’extraction de connaissances qui en découlent. Des méthodes automatiques ou semi-automatiques, combinant statistiques, intelligence artificielle et informatique sont appliquées à des bases de données en grande quantité. Les algorithmes fondés sur des critères prédéfinis servent à identifier et construire des modèles, des structures ou des motifs dans les données brutes, et d’en extraire ainsi de nouvelles connaissances. et algorithmes Crowdsourcing Crowdsourcing L’« externalisation ouverte » en français consiste en l’utilisation des informations, de la créativité, de l’expertise ou de l’intelligence d’un grand nombre de personnes par l’intermédiaire d’une plateforme. Dans une approche économique, il peut s’agir de distribuer un grand nombre de tâches à moindre coût. Dans une approche collaborative, sociale ou altruiste, il s’agit de faire appel à des réseaux spécialisés ou au volontariat du grand public pour collecter ou traiter de l’information. et délibération collective Crowdsourcing Crowdsourcing L’« externalisation ouverte » en français consiste en l’utilisation des informations, de la créativité, de l’expertise ou de l’intelligence d’un grand nombre de personnes par l’intermédiaire d’une plateforme. Dans une approche économique, il peut s’agir de distribuer un grand nombre de tâches à moindre coût. Dans une approche collaborative, sociale ou altruiste, il s’agit de faire appel à des réseaux spécialisés ou au volontariat du grand public pour collecter ou traiter de l’information. , contrôle ou participation, délibération collective
Dispositifs Plateforme de contrôle fermée Plateforme « coopérative » marchande et fermée Plateforme « coopérative », non marchande, co-construite et ouverte Plateforme « participative » parfois co-construite et ouverte
Logique et vision Confiance en l’expertise technique et les données comme ressources fermées Extension du domaine du capitalisme urbain via de nouveaux marchés de services Recherche d’une ville alternative par la société civile via les réseaux sociaux et échanges collaboratifs Renouveau des pratiques et institutions de l’aménagement et mise en dialogue de tous les acteurs
Risques ou limites Domination et contrôle d’acteurs privés et dépolitisation des solutions Remet en cause la légitimité et la capacité d’action publique Contourne voire remet en question les acteurs publics par l’approche coopérative Encadrement politique et administratif des processus, manque de représentativité de la participation

D’après Douay, 2017

Cette typologie est schématique. Elle permet cependant de définir des scénarios qui servent à attirer l’attention sur les risques et limites de tendances poussées à leur extrême.

La « boussole » du numérique

En fonction de l’orientation choisie, la participation d’acteurs non institutionnels et le degré d’ouverture et d’accès (en interne ou en externe) aux données et aux outils numériques vont être plus ou moins nécessaires. En se positionnant sur la « boussole » du numérique, l’autorité locale pourra commencer à identifier le type de démarche et le rôle à adopter. Des alliances, des outils, des modes de contractualisation différents vont en découler.

Plus on se situe sur la gauche de la boussole, plus l’autorité locale devra construire et assurer son positionnement vis-à-vis des acteurs tiers. Plus on se situe en bas, plus l’autorité locale devra défendre sa légitimité et la redevabilité de ces décisions dans le débat public.

La boussole du numérique
d’après Douay 2017
Questions clés

Choisir des mots clés porteurs d’une vision du numérique

À quoi le numérique doit-il contribuer en priorité sur mon territoire ?

  • Au développement économique local ? : expérimentation, innovation et création de nouveaux services ; augmentation de la compétitivité des entreprises ; amélioration de l’attractivité et de l’image de marque…
  • À l’inclusion sociale et la démocratie locale ? : accès de tou·tes aux outils numériques (bornes et wi-fi public) ; services publics collaboratifs ; participation et co-construction citoyenne ; redevabilité et transparence accrues…
  • À la durabilité des décisions d’aménagement ? : planification et prospective ; meilleure connaissance du territoire ; constitution et analyse de bases de données ; préservation des ressources naturelles…
  • À la modernisation de l’administration locale ? : efficacité des procédures de gestion ; réduction des coûts et délais administratifs ; pertinence et légitimité des décisions grâce à la définition des priorités en fonction des besoins des populations…

Des promesses aux usages réels

La manière dont les acteurs privés, formels ou informels, les populations et même les autorités locales se saisissent des TIC génère des effets imprévus. Ces initiatives se situent souvent là où les services publics sont absents ou défaillants, viennent combler des manques et répondre à des besoins insoupçonnés. Les autorités locales peuvent ainsi découvrir de nouvelles niches pour les politiques urbaines qui leur échappaient jusqu’alors.

Le guide décline dans la partie B les usages réels et possibles du numérique dans les villes en développement dans quatre fonctions urbaines traditionnelles, accompagnés d’exemples : gestion des services urbains, aménagement pour les plus vulnérables, relations entre administrations et usagers, et développement économique local.

Il faut donc tout d’abord en revenir aux bases : le numérique repose sur des technologies de l’information et de la communication. Il ne s’agit pas seulement de piloter la ville à partir de données, mais aussi d’un écosystème d’acteurs qui entrent en relation grâce au numérique. Bien sûr, les effets entre communication et information s’entremêlent : l’information sert de base à de nouvelles relations et les échanges génèrent des données.

L’arrivée du numérique oblige les autorités locales à se positionner.

  • Les TIC bouleversent le monde de l’information et les outils numériques ouvrent de nouvelles opportunités pour connaître, gérer et prévoir les évolutions du territoire d’une manière beaucoup plus rapide et réactive.
  • Le numérique rend perceptible des activités, des zones d’urbanisation, des catégories de populations, voire des mouvements sociaux, qui étaient auparavant peu visibles. Ceci oblige les autorités locales à définir une position et une stratégie d’action.
Questions clés

Définir les usages que l’on veut faire du numérique

Soutenir la production et l’utilisation de l’information, et surtout des données

  • Produire, collecter, stocker, traiter, analyser, partager des données : quelle(s) action(s) l’autorité locale doit-elle prendre en charge ?
  • À quels types de données importantes pour le développement municipal et l’action publique, doit-on accorder la priorité : statistiques, décisions municipales, cartes, état civil ?
  • À quelles fins l’autorité locale devra utiliser et exploiter les données générées : connaître, prévoir, contrôler, programmer ?
  • Pour quels utilisateurs : l’administration locale, les autorités publiques tierces, le secteur privé, les citoyen·nes ?
  • Quelles limites anticiper : capacité de stockage des données, formats de données, ignorance des problèmes pour lesquels il n’y a pas de données ?

Faciliter la communication et les échanges entre les acteurs du territoire

  • Quelles priorités : relier des acteurs déconnectés, faire apparaître de nouveaux acteurs, favoriser de nouveaux modes d’échanges ?
  • Quels acteurs : les usagers connectés, les populations vulnérables, le secteur privé, les entreprises informelles, les ONG ?
  • À quelles fins : sensibiliser, consulter, ouvrir de nouveaux marchés, taxer, recenser ?
  • Sous quelle forme : campagnes d’information, forums d’échanges, centres d’appels, réseaux sociaux, services marchands ?
  • Avec quelles limites : alimenter des pratiques qui contournent les autorités locales, développer un système d’offres et de demandes qui exclut les plus vulnérables, dépendre d’intermédiaires ?

Prendre conscience des risques du numérique

La question de l’exclusion ou de la fracture numérique n’est pas seulement une question d’accès aux nouvelles technologies ou de couverture par le réseau, mais recouvre plus largement des enjeux de tarification, d’acceptabilité sociale, de genre, d’âge, d’appropriation, d’alphabétisation.

Des dispositifs dédiés d’accompagnement sont nécessaires :

  • pour toucher les populations les plus vulnérables ou les plus éloignées du numérique,
  • pour concevoir des dispositifs adaptés à leurs besoins et capacités.

À l’introduction de services municipaux sur support numérique, il est donc important de maintenir en parallèle des services physiques, d’assurer la présence de facilitateur·trices pour accompagner les usagers, et de concevoir des outils accessibles à tou·tes (y compris à celles et ceux qui ne savent ni lire ni écrire).

Mettre en place des partenariats, prévoir un budget pour des formations, ou mettre à disposition des locaux sont des actions municipales qui peuvent facilement permettre de réunir les conditions nécessaires à une transition numérique inclusive. Les ONG, les universités ou instituts de formation, les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS ESS Économie sociale et solidaire. ) ou encore les tiers-lieux Tiers-lieux Correspondent aux environnements sociaux autres que le domicile et le travail. Ce sont espaces physiques où les individus peuvent se rencontrer, se réunir et échanger de façon informelle en répondant aux besoins d’une communauté présente. Chaque tiers-lieu a une personnalité qui lui est propre, en fonction de sa localisation et de la communauté qui y est présente. Les espaces de coworking sont ainsi des tiers lieux spécifiques. et incubateurs Incubateurs Structure d’accompagnement de projets de création d’entreprises. Elle apporte un savoir-faire, un réseau et des moyens logistiques lors des premières étapes de la vie de l’entreprise. À la différence d’une pépinière d’entreprises ou d’un hôtel d’entreprises, un incubateur s’adresse à des sociétés très jeunes ou encore en création.
Les incubateurs peuvent se différencier par les services qu’ils proposent, leur caractère lucratif ou non, ou encore le type de projets qu’ils ciblent.
Depuis le milieu des années 2000, sont apparus les « incubateurs de deuxième génération » ou accélérateurs qui proposent des aides à la création d’entreprise en échange d’actions dans la société incubées.
qui démocratisent le recours au numérique peuvent être des relais et médiateurs.

L’autorité locale peut quant à elle prendre la responsabilité d’identifier les populations cibles, et les intermédiaires qui peuvent travailler avec elles.

Boîte à idées

Mettre en place des dispositifs de médiation numérique

  • Améliorer la couverture en infrastructures secondaires et équipements : installation de kiosques numériques, d’ordinateurs en libre accès, de bornes wi-fi dans les espaces publics, les gares, bibliothèques ou marchés.
  • Organiser ou soutenir des formations, ateliers et campagnes d’éducation à l’usage des outils numériques et d’Internet avec des médiateur·trices dans les espaces municipaux, les écoles, etc.
  • Concevoir et définir des normes d’accessibilité pour les services municipaux en ligne avec des interfaces faciles et intuitives pour les usagers.
  • Diversifier les supports de communication en combinant la circulation de l’information en format papier, sur téléphones, en ligne, et en s’appuyant sur les médias pour toucher le maximum de personnes possible.
Initiative

Points d’accès communautaires à Internet mis en œuvre par les autorités locales
Jamaïque

En Jamaïque, la création de télécentres et l’équipement de bibliothèques est un des moyens utilisés pour faciliter l’accès aux services de e-gouvernement, notamment dans les quartiers à bas revenus.

Un programme gouvernemental de développement de points d’accès communautaires à Internet a été mis en œuvre en Jamaïque en 2011. Les télécentres fournissent un accès public aux TIC, surtout pour le développement personnel, social, économique et éducationnel. Ils favorisent la création de sites Internet et de communautés virtuelles. Ils servent de lieux de rencontre pour les jeunes. Ils forment ou accompagnent les générations âgées qui souhaitent rester en contact avec les membres de leurs familles expatriés.

Une campagne de communication et de sensibilisation promeut l’idée que la réalisation des opérations administratives dans ces points d’accès est moins coûteuse qu’un déplacement jusqu’à l’administration. De plus, les habitant·es ont la possibilité d’envoyer des questions par SMS au télécentre, auxquels les agents répondent par Internet et par le biais de la radio locale.

La mise en œuvre de ce programme s’appuie sur les autorités locales et des associations à qui elles délèguent la gestion des points d’accès. En parallèle de la stratégie TIC nationale, il s’agit ainsi de donner à tou·tes une chance de profiter du développement des e-services.

À retenir

Financer et développer un réseau de proximité de points d’accès universel aux outils du numérique constitue un dispositif d’inclusion concernant l’ensemble des habitant·es.

Questions clés

Concevoir un dispositif numérique inclusif

  • Qui sont les exclu·es du numérique ou du service que l’on cherche à développer : les personnes âgées, les femmes, les quartiers périphériques, les entreprises informelles ?
  • Pourquoi, quels sont les obstacles auxquels ils et elles sont confronté·es : coût trop élevé, barrière de l’alphabétisation, pratiques culturelles, zone non couverte ?
  • Comment, quel dispositif ciblé mettre en place pour les inclure : cours d’alphabétisation numérique, médiation numérique, campagnes de communication, équipements et accès publics, design simplifié ?
  • Avec qui : quels sont les intermédiaires les mieux placés pour transmettre les connaissances et les savoir-faire nécessaires à l’appropriation des outils numériques ?
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