Objectif
La conduite du changement induite par l’intégration des TIC au sein des services administratifs nécessite un fort portage politique : la transformation numérique sera de longue haleine et mobilisera une équipe dédiée en lien étroit avec tous les services administratifs.
Les contraintes de ressources humaines, techniques, financières et administratives auxquelles peuvent faire face les autorités des villes en développement sont loin d’être une contrainte pour recourir aux TIC. L’introduction du numérique peut même être une opportunité pour faire des « sauts de développement » (leapfrogging) et avancer en privilégiant des outils et solutions gratuits ou peu chers.
Évaluer la pénétration des équipements informatiques et outils numériques utilisés par les agents administratifs au quotidien
Avant de s’engager, quelques éléments de diagnostic sont nécessaires pour évaluer la situation de départ (maturité numérique), et le potentiel de développement numérique.
Questions clés
- Quel est l’accès à des connexions téléphoniques et Internet ? Quels sont les degrés d’équipement en téléphones, ordinateurs et imprimantes, logiciels installés et licences achetées, outils de gestion, de sauvegarde et d’archivage en ligne dans les services municipaux ?
- Existe-t-il des portails d’information et de communication au public (sites Internet, pages sur les réseaux sociaux, etc.) et quelle est leur fréquence de mise à jour ?
- Quel est l’état des données et des statistiques existantes : format, actualisation, possibilité de standardisation et d’interopérabilité entre les services, solutions de stockage ?
- Y-a-t-il un service informatique, où se situe-t-il dans l’organigramme ? Quelles sont les compétences et le degré de maîtrise du numérique des équipes, à titre personnel et professionnel ?
- Quelle pourrait être la personne ou le service, suffisamment transversal, légitime et innovateur pour porter le chantier numérique en interne ? Qui pourraient être des alliés en externe (universités, entrepreneurs, incubateurs
Incubateurs
Structure d’accompagnement de projets de création d’entreprises. Elle apporte un savoir-faire, un réseau et des moyens logistiques lors des premières étapes de la vie de l’entreprise. À la différence d’une pépinière d’entreprises ou d’un hôtel d’entreprises, un incubateur s’adresse à des sociétés très jeunes ou encore en création.
Les incubateurs peuvent se différencier par les services qu’ils proposent, leur caractère lucratif ou non, ou encore le type de projets qu’ils ciblent.
Depuis le milieu des années 2000, sont apparus les « incubateurs de deuxième génération » ou accélérateurs qui proposent des aides à la création d’entreprise en échange d’actions dans la société incubées.
) pour partager cette culture et méthode de l’innovation numérique ?
Initiative
Des programmes de modernisation progressive des procédures et de renforcement des compétences numériques des autorités locales des villes de taille moyenne.
Les Philippines ont mis en place un programme national de modernisation des procédures au sein des administrations au début des années 2000. Ce programme s’est progressivement étendu au sein des autorités locales.
Les municipalités de Caloocan, Muntinlupa, Antipolo et Tagaytay, par exemple, ont mis en place des stratégies de modernisation des procédures au sein de leurs administrations dans le cadre du Government Information Systems Plan (GISP) approuvé et adopté comme cadre pour tous les efforts d’informatisation des services et opérations clés.
Aucune de ces municipalités ne bénéficiait en 2010 d’un accès Internet pour tous ses services, et Caloocan n’avait même aucun accès Internet. Les autorités municipales ont cependant dédié des moyens à la mise en place de ce programme, par exemple à Tagaytay et Muntinlupa, où un poste a été spécialement créé. Cette mesure va être mise en œuvre par Caloocan et Antipolo.
De plus, les municipalités ont mobilisé des assistances techniques afin d’améliorer les compétences de leurs services : Caloocan et Muntinlupa ont un département dédié, les Management Information Systems qui jouent le rôle d’interlocuteur privilégié ; Antipolo a préféré consulter son vendeur de logiciels, Amellar Corporation ; Agaytay a employé les services de techniciens privés.
À Muntinlupa, l’accent a été mis sur l’e-gouvernance en améliorant en priorité son site Internet. Les trois autres villes ont préféré se donner comme objectif l’amélioration du e-gouvernement en développant des applications administratives spécifiques sur Internet qui demandent une identification de l’utilisateur·trice.
http://workspace.unpan.org/sites/Internet/Documents/UNPAN035000.pdf
À retenir
Développer les compétences numériques des équipes de la ville
L’approche collaborative est incontournable pour pouvoir introduire avec succès le numérique dans les services et le fonctionnement de l’autorité locale. Trois facteurs de succès sont déterminants.
- Le portage du processus par un·e décideur·e (leader) et un·e responsable technique, qui seront à la fois moteur et cheville ouvrière de la transformation numérique locale. Ils devront interagir, avec légitimité et conviction, auprès de tous les acteurs : autres élu·es politiques, agents publics locaux (usagers), consultant·es en appui à la transformation, technicien·nes-développeur·es. Leur connaissance des méthodes numériques et surtout leur expérience à lancer des chantiers et à stimuler et coordonner les initiatives des autres agents doivent permettre de dépasser le cloisonnement entre les services administratifs.
- Le recours à des compétences techniques pour accompagner la transformation numérique. Cela peut se traduire par des recrutements en interne de nouveaux profils : développeur·es (informaticien·nes et programmeur·ses) spécialistes en gestion et analyse de données. Cela peut aussi mobiliser des bureaux d’études et des entreprises qui aident à concevoir des stratégies (sur les données gérées par la ville, sur l’équipement en outils numériques, etc.) et des solutions.
- La formation, pour que les agents administratifs locaux s’approprient les enjeux, prennent en main les nouveaux outils et deviennent acteurs et force de proposition de la transformation numérique.
L’autorité locale peut choisir différents moyens pour conduire le changement, en fonction de ses capacités humaines, financières et techniques : porter le projet en interne ou faire appel à des consultant·es ou bureaux d’études spécialisés, mais tout en gardant un pilotage politique fort. Universités et instituts de formation peuvent également être des partenaires particulièrement intéressants pour mobiliser les compétences nécessaires.
La première étape pour mobiliser les agents administratifs est d’estimer si les équipes sont familiarisées avec les outils numériques : maîtrise des logiciels informatiques de base, connaissance des usages et potentialités d’Internet et des réseaux sociaux. Au-delà, il est important de savoir s’ils sont intéressés par l’appropriation de nouveaux outils et méthodes de travail afin de définir quels types d’accompagnement et de formation seront nécessaires.
Les outils numériques peuvent modifier profondément les manières de travailler, pour deux raisons.
- Le « coût d’entrée » pour les agents : se familiariser avec de nouveaux outils, s’accoutumer à échanger sur des forums et applications collaboratives en ligne, accepter de changer ses habitudes de travail n’est ni immédiat, ni évident. Dans un premier temps, une démarche d’information, de sensibilisation et de formation sera nécessaire pour s’assurer que les agents sont prêts à investir du temps sur ces nouvelles méthodes et les en convaincre.
- La modification des tâches induites par les nouveaux outils numériques : l’automatisation de certaines procédures, la dématérialisation des archives et des échanges, la plus grande rapidité et réactivité changent la logique de travail. Les gains d’efficacité qui peuvent en être attendus peuvent également être perçus comme des menaces sur certains métiers. Une explication des logiques et des bénéfices que peuvent en retirer les agents ne doit pas être négligée. Le processus de transformation doit non seulement être transparent, mais également répondre aux préoccupations et problèmes auxquels font face les agents de terrain, qui seront les usagers des nouvelles solutions numériques.
Les promesses et opportunités du numérique seront pleinement remplies si les autorités locales, et donc leurs agents, entrent dans une perspective d’innovation et d’expérimentation de nouvelles solutions au quotidien. Cela suppose l’évolution du fonctionnement de l’autorité locale vers plus de souplesse et d’attention aux propositions émanant directement des agents/usagers, et l’acceptation de réajustements en cours de route quand un outil ne fonctionne pas bien.
La constitution d’une équipe interservices convaincue est donc déterminante pour mener à bien la transformation numérique. Le·la responsable aura intérêt à s’appuyer sur des « points focaux » numériques dans chaque service administratif pour servir de relais à la transformation interne.
Initiative
Des services en ligne pour les procédures d’état-civil qui simplifient la délivrance des services et améliorent la performance de la gestion municipale.
Le contexte marocain est favorable à la modernisation de l’administration, promue par la monarchie et par les plus hauts niveaux de l’État. La commune de Fès a été une municipalité pilote dans les processus de dématérialisation des procédures administratives.
Dès 2004, le bureau d’état civil est modernisé : un technicien TIC a été chargé de la mise en place d’un portail en ligne dédié à la numérisation des procédures d’état civil (certificats de naissance, mariages, divorces, décès, etc.). Cette initiative commune de la municipalité et de l’université Al Akhaway a pour objectif de créer des services en ligne destinés à simplifier la délivrance des services et des documents administratifs aux habitant·es. En complément, des bornes numériques interactives ont été installées dans les administrations.
En sus de l’amélioration du dialogue entre l’administration locale et les citoyen·nes, la plateforme a permis de développer des indicateurs de performance de la gestion municipale. La diminution du temps d’attente des prestations, du taux d’erreurs et des tâches répétitives sont autant d’indices de la montée en compétence et en efficacité des fonctionnaires du bureau d’état civil. Les services communaux sont désormais soumis à l’évaluation citoyenne. Fin 2017, une application appelée la « e-Moukataâ » était testée pour permettre aux citoyen·nes d’accéder aux services administratifs et légaliser leurs documents à distance.
www.fes.ma
À retenir
- Le partenariat de la municipalité de Fès avec son université a permis de s’adjoindre des ressources humaines et techniques de qualité pour conduire le processus et l’évaluer en continu.
- La mise en place d’indicateurs de performance de la gestion municipale a permis de mesurer l’amélioration des compétences et de l’efficacité des fonctionnaires locaux.
Transformer l’organisation locale par le numérique