Formaliser une feuille de route pour passer à l’échelle en tenant compte de ses ressources (humaines et organisationnelles).
Le numérique n’est pas le cœur de métier des autorités locales, même si elles sont légitimes pour définir les orientations politiques et territoriales. La réalisation des nouveaux services numériques peut être plus efficiente si elle est réalisée par des spécialistes. Cependant, il revient à l’autorité locale de faire des choix stratégiques à la lumière de ses besoins et ressources internes et sur la base d’actions pilotes (étape précédente) de chercher à passer à l’échelle en généralisant ou dupliquant les actions testées.
Nous traitons ici de la manière dont l’autorité locale peut affirmer son leadership numérique, en définissant des normes et priorités qui orienteront et encourageront les initiatives numériques portées par les acteurs de l’écosystème numérique local. La démarche de construction des capacités numériques propres à l’autorité locale est traitée dans la partie C.
Faire des choix dans les « couches » de la ville intelligente
Les outils et solutions numériques sont loin d’être uniformes : des drones perfectionnés à une page sur un réseau social, les raisons d’y recourir, les modes d’utilisation et les impacts varient. C’est en fonction de l’usage que l’on souhaite en faire qu’il faut choisir une solution numérique : il est donc important d’établir un panorama rapide des types d’infrastructures et d’outils existants avant de les sélectionner en fonction du niveau de maturité numérique du territoire, du type d’approche, et de résultats espérés, et des capacités financières d’investissement et de gestion par l’autorité locale.
Endosser ses responsabilités par des actions et des règles du jeu claires
L’autorité locale a un rôle de cadrage des initiatives numériques pour qu’elles soient durables, efficaces et inclusives. Il s’agit d’abord de créer les conditions favorables à la génération de nouveaux outils au service des projets et politiques portés par l’autorité locale et propices à concrétiser une forme de construction de l’action municipale plus ouverte et partenariale.
La plupart des innovations dans les villes en développement émergent à l’heure actuelle du secteur privé ou de la société civile. Il semble dans un premier temps plus stratégique que l’autorité locale se positionne comme promoteur de l’innovation numérique (en intervenant aussi dans les priorités et les orientations année après année), facilitateur d’alliances et garant de l’intérêt général en soumettant aux acteurs tiers les défis rencontrés pour réfléchir à des solutions numériques.
Organiser et orienter les initiatives
- Animer un écosystème et favoriser les synergies : les opportunités offertes par le numérique se révèlent parfois de manière inattendue, avec des effets en chaîne dans d’autres secteurs (par exemple, la cartographie numérique de quartiers précaires contribue à mieux planifier la ville, à prévenir les catastrophes naturelles, à développer des formes de participation citoyenne, à faciliter l’imposition, etc.). C’est aux autorités locales d’anticiper les externalités et effets croisés, et de les transformer en opportunités autour d’un objectif de développement défini conjointement.
- Anticiper le passage à l’échelle : bien souvent, les solutions isolées, développés de manière fragmentée, peuvent rendre difficile l’intégration des données générées. Afin d’éviter une redondance d’efforts, humains, techniques et financiers, il est important de définir dès le départ un cadre commun et cohérent qui soit assez souple pour pouvoir intégrer progressivement de nouveaux développements. Il faut pour cela préparer dès le début la récupération des données brutes et des fichiers sources selon des standards prédéfinis.
- Définir et adopter des normes et standards : le recours aux logiciels libres et la mise en place de données ouvertes permettent d’éviter des situations d’impasse où les informations générées par le numérique ne peuvent être partagées ou utilisées à d’autres fins. En parallèle, l’adoption d’une charte municipale définissant les principes du recours au numérique pour le développement urbain durable local peut inciter et orienter les initiatives par ailleurs autonomes.
Initier et cofinancer des pratiques différentes d’action collective
- Hackathons : ces évènements ponctuels rassemblent, sur une courte période, des développeur·ses informatiques bénévoles qui programment des solutions à partir de bases de données mises à leur disposition. Il faut pour cela que la communauté de développeur·ses soit suffisamment active pour que l’émulation collective fournisse des résultats.
- Open innovation Open innovation Désigne, dans les domaines de la recherche et du développement, des modes d’innovation fondés sur le partage et la collaboration (entre parties prenantes) avec des acteurs extérieurs à l’organisation. : l’innovation ouverte est une démarche de plus long terme, un processus d’ouverture de la réflexion sur un problème à des partenaires extérieurs afin de trouver une solution nouvelle. L’enjeu est de faire collaborer, en toute confiance, des entreprises privées, des universités, des start-up Start-up Désigne une jeune entreprise à fort potentiel de croissance. Ces entreprises développent une idée, un produit, un modèle économique ou une technologie innovante et ambitieuse qu’elles se proposent de déployer très rapidement à très grande échelle. Elles ne sont pas forcément des entreprises technologiques. , des ONG autour d’un problème défini collectivement.
- Appel à projets innovants : les autorités locales peuvent ouvrir des appels à projets si elles ont une capacité de financement suffisante pour accompagner les initiatives sélectionnées. Ces appels à projets peuvent porter sur une problématique spécifique ou être ouverts afin de susciter des propositions originales. Réciproquement, une autorité peut répondre à des appels à projet fondé sur les TIC, au niveau national ou international pour ainsi bénéficier de fonds, de mentorat et d’accompagnement technique.
- Marchés publics : dans le cadre d’appels d’offres auprès de prestataires privés pour développer des services, les autorités locales peuvent promouvoir l’innovation via des clauses spécifiques dans les passations de marché. Elles peuvent porter par exemple sur la numérisation des documents de projets, la définition d’un format standardisé et la mise à disposition ouverte des données générées, la communication transparente en ligne et sur les réseaux sociaux…
- Intrapreneuriat Intrapreneuriat Néologisme utilisé en management, contraction de « intra » et « entrepreneuriat ». Il vise à permettre aux grandes entreprises de créer des structures en interne pour innover, pour pallier les inerties institutionnelles. Il recouvre soit un dispositif par lequel des individus créent une nouvelle organisation intégrée en s’associant avec une grande entreprise, soit une démarche qui permet de créer une équipe spéciale de salariés au sein d’une organisation en leur accordant une autonomie et des responsabilités spéciales. , changement et innovation internes : l’innovation numérique n’est pas nécessairement extérieure au secteur public. Une administration ou un organisme public peut initier sa propre démarche de numérisation de procédures, de données, voire de promotion de l’innovation en interne (partie C). Ceci permet de rester maître du processus, mais ne doit pas pour autant exclure de la réflexion et la mise en œuvre les acteurs tiers concernés par le développement d’un produit.
- Structure dédiée au numérique : il peut s’agir d’un service municipal, d’une agence, d’une société d’économie mixte ou d’une entreprise publique. Une telle structure aura pour mission d’animer l’écosystème local, mais aussi de mobiliser les investisseurs, de définir les objectifs de développement durable à poursuivre, d’identifier les problèmes et défis territoriaux, de gérer les bases de données et d’assurer leur partage public, et enfin de développer l’accès au numérique (voir la partie C qui développera cela plus amplement).
- Labels ou prix pour récompenser ponctuellement des initiatives particulièrement innovantes. L’organisation de salons ou de forums peut permettre d’animer et – faire – connaître l’écosystème local. S’associer à des partenaires peut augmenter la visibilité et réduire le coût.
Les dispositifs spécifiques d’appui aux start-up Start-up Désigne une jeune entreprise à fort potentiel de croissance. Ces entreprises développent une idée, un produit, un modèle économique ou une technologie innovante et ambitieuse qu’elles se proposent de déployer très rapidement à très grande échelle. Elles ne sont pas forcément des entreprises technologiques. et autres tiers-lieux Tiers-lieux Correspondent aux environnements sociaux autres que le domicile et le travail. Ce sont espaces physiques où les individus peuvent se rencontrer, se réunir et échanger de façon informelle en répondant aux besoins d’une communauté présente. Chaque tiers-lieu a une personnalité qui lui est propre, en fonction de sa localisation et de la communauté qui y est présente. Les espaces de coworking sont ainsi des tiers lieux spécifiques. favorables à l’innovation numérique sont présentés en partie B dans le cadre des stratégies de développement économique local.