Commencer par des actions pilotes pour tester des solutions simples
Objectif
Concentrer ses efforts sur un enjeu de planification ou une zone vulnérable pour lesquels les données vont faire la différence.
La génération accrue de connaissances grâce au numérique doit permettre de mieux orienter les décisions des autorités locales. En ce qui concerne les villes en développement, le travail de diagnostic et de cartographie de zones urbaines, en croissance rapide, reste bien souvent incomplet ou inexistant. La réponse des autorités locales ne peut donc être que partielle, mais les outils numériques permettent progressivement de disposer d’une masse d’informations sectorielles et actualisées.
Lorsqu’il s’agit de prendre des décisions d’aménagement urbain spécifiques à l’amélioration des conditions de vie des plus vulnérables, l’enjeu pour l’autorité locale est double :
en situation « normale », utiliser les données existantes et celle générées par les habitants afin de pouvoir concevoir des réponses adaptées aux usages et aux conditions d’urbanisation, qui favorisent l’inclusion des populations ;
dans l’urgence, coordonner l’action publique sur un territoire mal connu, notamment dans des situations critiques de catastrophes naturelles où les populations sont en danger.
Des outils numériques alimentés par des images satellites et par la connaissance des habitant·es permettent de cartographier un quartier précaire non planifié, d’identifier les zones à risques et d’améliorer la sécurité.
L’initiative MapKibera a été mise en place au sein du quartier de Kibera à Nairobi (Kenya) début 2009 pour améliorer la prise en compte des communautés par les acteurs intervenant dans les quartiers précaires. Il s’agit de l’un des plus grands quartiers non-planifié de Nairobi, sans cartes, adresses ni recensement des rues et équipements publics.
Une carte digitale gratuite et ouverte a été créée sur OpenStreetMap qu’une communauté de jeunes Kiberiens volontaires, formés par des géographes, se charge de mettre à jour.
L’enregistrement et le recensement de la localisation des services, marchés, écoles, cliniques, pharmacies, toilettes, points d’eau dans le quartier, ont permis de créer une base de cartographie. Les données ont été collectées par les membres des communautés locales via des équipements GPS et complétées par des questionnaires aux habitants. La mise à disposition d’un équipement informatique a permis d’éditer et mettre les informations cartographiques en ligne.
L’initiative a ensuite développé des services complémentaires :
une carte créée en partenariat avec l’UNICEF permettant de recenser les zones dangereuses, sans éclairage de nuit, zones de viols et de créer un poste de police à l’emplacement d’un de ces points noirs ;
Cette initiative s’est développée sous l’impulsion d’ONG et a permis de collecter des informations potentiellement utiles pour l’intervention publique et l’autorité locale.
Les outils cartographiques ont été de véritables outils d’empowerment et de valorisation des habitant·es.
Dans les deux cas, le numérique permet l’ouverture à la production de connaissances par les populations, bénéficiaires des investissements à réaliser. L’autorité locale peut se saisir de technologies à bas coût (GPS, SMS, systèmes cartographiques en ligne) pour aider à la prise de décision et partager l’information à travers les réseaux sociaux. Les décisions sont plus légitimes car elles se fondent sur les données générées par la société civile et les habitants.
Le risque est d’être « submergé » par la quantité de données et d’informations produites rapidement et massivement par la mobilisation citoyenne. Il est donc nécessaire de réaliser un travail amont préalable :
concevoir un système d’information géographique qui permet d’enrichir progressivement les données et de les combiner en fonction des besoins du moment ;
identifier la vulnérabilité des équipements publics aux risques, les centres d’évacuation et les routes d’accès pour les services de secours ;
s’équiper en systèmes d’alertes activables par SMS.
Une cartographie des infrastructures et des équipements, une application mobile pour signaler les problèmes et un système cartographique interactif pour informer le public des projets dans les quartiers.
Katmandou a bénéficié en 2012 d’un partenariat entre le gouvernement central et Global Facility for Disaster Reduction and Recovery géré par la Banque mondiale pour améliorer la prévention et la préparation aux risques sismiques. Le projet promeut l’utilisation de données ouvertes au service de la résilience urbaine. Il permet de numériser le cadre bâti, le réseau de voirie et autres équipements critiques, et de caractériser leurs vulnérabilités à un aléa donné pour pouvoir ensuite organiser les interventions nécessaires.
une cartographie des infrastructures et des équipements (hôpitaux, écoles, routes d’évacuations) ;
une application mobile qui permet aux citoyens de signaler et de cartographier les dysfonctionnements urbains (trous dans la chaussée, dépôts de déchets illégaux…) ;
un système cartographique interactif qui permet d’informer le public des programmes et projets dans les quartiers.
Lors du séisme de 2015, cette équipe a centralisé les informations via une plateforme en ligne (Quake) pour répertorier les besoins des personnes affectées et coordonner les actions de sauvetage et humanitaires entre organisations de la société civile, groupes de volontaires et protection civile. La technologie Ushahidi (envoi des informations par SMS par l’application ou par la géolocalisation d’appels vocaux) a également été mobilisée pour localiser les victimes.
Une ONG locale, Kathmandu Living Labs, a été accompagnée pour assurer la gestion et la maintenance du dispositif et assurer la formation des contributeur·trices sur le long terme.
Des outils techniques gratuits ont été mobilisés pour cartographier l’existant et contribuer à améliorer la réduction des risques de catastrophes.
La coordination des différents acteurs est facilitée par les TIC. L’expérience est reproductible pour les municipalités qui peuvent impulser ce type de projet partenarial.
Une cartographie des bidonvilles pour étudier les tendances de l’urbanisation et de la propagation de la pollution et des maladies.
En 2013, une équipe de recherche de la Humboldt University of Berlin a analysé les données satellite de Dhaka pour la période 2006-2010. Partant du constat que le manque de connaissances sur l’occupation spatiale d’une ville, notamment des quartiers informels, est un frein à l’action publique, l’objectif était de cartographier les bidonvilles de Dhaka.
L’étude s’est déroulée à distance par télédétection en utilisant plusieurs sources de données jusqu’alors éparses et sous-utilisées :
l’imagerie satellite de haute définition Quickbird sur la période 2006-2010 ;
le rapport « Slums of Urban Bangladesh, Mapping and Census 2005 » qui a recensé les quartiers précaires de Dhaka en 2005 ;
des photos géolocalisées plus anciennes et Google Earth.
Des cartes pour prévenir les risques et un système de reporting citoyen.
Dar es Salaam est particulièrement vulnérable aux inondations et 70 % de la population vit dans des quartiers informels. Afin de réduire la vulnérabilité de ces zones d’habitat précaire aux risques et d’améliorer la préparation à la gestion des catastrophes, la municipalité a impulsé la cartographie de Tandale, un de ses plus grands quartiers précaires, en 2013.
Sur inspiration de l’initiative MapKibera (Kenya), des étudiants en planification urbaine et les habitants ont été formés et mobilisés pour recenser l’ensemble des équipements existants sur OpenStreetMap, dans une logique de sensibilisation à la solidarité et de renforcement de capacités.
(GeoFabrik et Tilemill) ont ensuite été utilisés pour publier les cartes sur Internet. Des drones ont permis d’identifier les zones les plus susceptibles d’être touchées par les inondations. Ce travail a produit des cartes d’exposition aux risques et des voies d’évacuation, permettant également d’identifier les zones où les inondations pourraient provoquer des épidémies.
En 2017, les données collectées, traitées et publiées couvraient 1,3 million de personnes et ont nourri des outils en ligne (OpenStreetMap et InaSAFE – module pour QGIS) qui peuvent être utilisés par les communautés, sans connaissances de programmation préalables. Les financements ont servi à créer les cartes, mais aussi à mettre en place les ressources nécessaires pour l’exercice de reporting citoyen (identification de foyers d’épidémie, etc.). Une plateforme de type Ushahidi (utilisation de SMS ou d’appels vocaux pour recenser les informations) a été mise en place.